Je sais pas vous, mais, alors que je suis incapable de me souvenir ce que j’ai fait il y 2h, j’arrive toujours à me souvenir de ma première fois pour beaucoup de choses.Première fois que t’as fait du vélo, que t’as pris un train tout seul. Ta premiere pelle, ta première fois avec une fille, bref, la liste est longue.En discutant guerre des tranchées avec un pote, m’est revenu mon premier voyage en Italie, du moins le deuxième, car pour le premier, j’avais pris un container à Fos pour Lyon, mais il fallait le dédouaner à Vintimille. Donc, ça compte pas.Nous voià donc en mars 1991, je suis à Marseille un matin. A ce moment là, je bossais pour Michel Comte, mais je faisais pas que du frigo. Je roulais avec un antique F1020 Volvo, cabine plate, interieur orange marron caca, et détail qui avait son importance, Jacky le mécano de la boite m’avait debranché le ralentisseur à échappement dont l’elcetro vanne deconnait mais dont il n’avait pas la pièce. Là, j’étais tractionaire pour Gery, boite qui était à l’époque spécialisée sur le Maroc et les remorques RO-RO, pour ne pas dire des épaves, j’étais sensé faire du Marseille – Lyon, pas besoin de ralentisseur.Ce matin là, le téléphone sonne, on avait les Radiocom2000 dans les camions et c’etait vraiment la classe, sauf que ça ne marchait qu’en France.Corinne ma chef me demande si je peux aller à Paris, moi je dis oui bien sûr, nous sommes mercredi et je suis fin heureux à bord de mon Volvo F1020. Je me rends donc porte 54 en quête de ma remorque, j’ai juste l’immat, pas plus. Et bien sûr ça dure, ça dure ni peu ni assez, j’ai enfin la remorque en fin de matinée…. C’est en regardant les papiers que je comprends mieux, la remorque, n’est pas chargée pour Paris, mais Bari en Italie, j’avais mal compris au téléphone. Là, feu action, il faut faire la douane avant 16h à Vintimille.Le remorque, c’est une vraie épave, un vielle savoyarde 2 essieux jumelés, marquée COMTI – Afrique Asie – C’était le seul truc classe dessus. Chargée avec 24T d’oignons, le F10 n’en mène pas large. Je donne tout ce que je peux, c’est à dire pas grand chose avec le 260cv. De temps en temps, j’entends des bruits, je vois passer des bouteilles en plastique rempli de ce que je crois être du jus de fruit et d’autres bricoles. Bêtement, j’imagine que des trucs sont posés sur le toit de la remorque et que ça vient tomber quand je freine.Premier arrêt au péage de Fréjus. Là, je remonte lentement les vitesses et je vois sauter 1, 2, 3, 4 puis 5 types de la remorque. J’en crois pas mes yeux ! Je m’arrête en catastrophe, la bâche est coupée sur plusieurs mètres et dans la remorque sur les sacs d’oignons, il y a tout un tas de déchets, de fringues et reliefs de repas. Coup de fil à Corinne, qui ne me croit pas, et vu que je suis un débutant est persuadée que j’ai accroché la bâche. Heureusement René Gery, lui confirme, ça arrive. J’avais jamais entendu parler de clandestins.

Par miracle, j’ai la douane et je repars de l’autoport en début de soirée. Il fait nuit, je connais pas du tout l’Italie. Dans ma tête sorti de Vintimille, l’autoroute, c’est plat. T’as raison. Bien sûr, parti une main devant, une main derrière, j’ai ni carte d’autoroute ni rien. Me voilà, pleine nuit sur une autoroute que je connais pas du tout, reste 1144km pour atteindre ma destination. Un peu partout des zones de chantier, un peu comme aujourd’hui, sauf que cette époque, pas de lumière, juste des lampes à huile. Savona, Genova, on slalome entre les maisons, sur une autoroute, c’est quoi ce délire ?? Pire, je chope même de la neige en montant pour rejoindre Tortona ou enfin l’autoroute devient plate. J’ai mis un temps infini pour arriver là.
Vu que j’ai pas de carte, à chaque péage, je fais une reconnaissance de dette, et en 1991, des péages c’est pas ce qui manquait ! Piacenza, Bologne, et à chaque fois, je prenais une branlée par celui ou celle de corvée. Après Ancone, les montagne russes recommencent, j’avance pas, mais alors pas du tout. Je dors une heure par ci, par là. Et je finis par arriver en fin de matinée à Bari puis le petit bourg de Castellana Grotte, ou je décharge dans une coopérative en plein centre ville. Bien sûr, c’est du vrac, je touche à rien et je m’écroule un peu dans la couchette. Le soir, Corinne, m’a trouvé un voyage pour rentrer : Un Senigallia-La Fère Champenoise. Un peu refait, je me sauve à vide dormir au plus près, à vide le F1020 respire et moi aussi.
Nous sommes donc vendredi, et demain, c’est week-end, des amis Marseillais doivent passer le week end chez nous à la maison. Pour le moment, je suis à Sénigallia dans une cartonnerie, et le cariste me fait comprendre que je dois ouvrir les côtés, je propose qu’on ne fasse pas celà, vu l’état de la remorque, mais il insiste, no probleme, facile, il a que ce mot à la bouche. Ouverture des elastiques OK, ouverture des ridelles, bon, OK. Levage de la bâche passable, mais alors le rancher du milieu, zoby, impossible. Tellement rouillé qu’il se confond avec le reste du plateau, et là, c’est le drame, le cariste soulève l’arceau du haut, le tablier de la semi tenait l’ensemble et une des barres sous l’effet de la pression s’est retrouvée dans un convoi de satelites d’Elon Musk. Pas de mort, pas de blessé, depuis le casque est obligatoire. A force, on finit par charger et surtout refermer comme je peux la poubelle.
Il reste presque 600km pour Susa. Aujourd’hui, 600km c’est 8h. Mais en F1020, avec les reconnaissance de dette et tout c’est un peu plus long. Il faut que je fasse la douane à Susa justement demain matin, faut pas se louper, à midi c’est mort. Donc je monte comme je peux, après Turin, c’est la nationale, j’arrive vers 2h du matin à la douane. Il neige. A l’époque donc, pas d’autoroute l’accès à l’autoport se faisait uniquement par la petite bretelle, de la SS24, il y avait une sorte de péage ou les douaniers dormaient profondement quand je suis arrivé, vous savez comme on dort bien quand tombent de lourds flocons. Donc, ayant reçu une bonne éducation basée sur le respect, je passe sans bruit et comme le parking est archi plein je me gare bien loin du bureau de l’autoport et je m’écroule au plumard.

Je devais dormir depuis 10 minutes quand on tape violement à la portière en pure tôle suédoise, dites moi pas que c’est pas vrai : Les douaniers, TIC et TAC se sont reveillés, fini d’hiberner. En fait je devais faire tamponner les papiers en passant, je savais pas. Je dois descendre, me rabiller et ces batards m’ont fait ouvrir la poubelle de nuit sous la neige. Puis j’ai du à pinces, retourner faire tamponner les papiers et enfin, redormir un peu en attendant l’ouverture des transitaires.

Finalement, ça s’est pas trop mal passé, quelques français m’ont averti pour la route qui mène au tunnel du Fréjus, merci. Il m’arrive encore aujourd’hui de passer par la vieille route, chargé pas lourd et quand j’ai le temps. Là, j’ai pas le temps, chargé lourd, passé les 2 épingles après Susa, même en 2e le F1020 n’y arrive pas, 1ere, après en dessous, y a plus rien ! Enfin, c’est la délivrance après les 11km du tunnel, la France. Mais c’est aussi là que les vrais soucis ont commencé. Monter, c’est bien joli, mais descendre…. L’A43 n’était même pas encore en projet sur la carte, et la N6 était encore assez raide. Je faisais pas le malin, même en 3e ou 4e, ça poussait, et bien sûr sans ralentisseur, putain de Jacky je lui aurait tordu le cou ! J’ai freiné qu’avec la carotte, mais ça suffisait pas, et j’ai fini par faire tout cramer, je me suis arrété au frein de parc sur un pauvre parking en attendant que ça reffroidisse un peu. Enfin, en début d’après-midi j’ai fini par rentrer à la maison, MORT.
Ma mésaventure ne se termine pas vraiment avec ce retour à la maison, puisque je devais aller vider à La Fère Champenoise. Toujours sans ralentisseur… Départ dimanche soir bien sûr (un bon week-end à l’arrache), et je roule toute la nuit pour vider le matin sans problème à La Fère Champenoise. Puis pour revenir en Rhône Alpes, Corinne a trouvé un super voyage pour 3 destinations dans le 74 à Reims, à la PUM. Moi ça me disait rien. Grosse boite à feraille, bon OK. Des gens serieux, c’est pas du primeur apparement. Un type me donne un plan et 7 postes de chargement. Bon, ok, j’en ai rien à carrer, on y va. Au premier poste, je comprends la misère, il faut ouvrir le toit, déjà sur cette remorque je vous fait pas de dessin, mais surtout refermer entre chaque poste, je l’ai fait au 1er mais pas aux autres, faut pas deconner, y a pas marqué con, c’est que de la feraille. Je charge et je dors un peu.
Enfin, pour épiloguer ce voyage avec cette magnifique remorque, tout allait bien dans le meilleur des mondes jusqu’à ce que je passe Beaune. Juste avant l’aire de Curney, mon oeil est attiré par une roue qui roule tout seule bien sagement le long de la glissière de sécurité au milieu de l’autoroute. Et bien sûr ça me fait rire, mais bien moins quand je me rends compte que ça fume côté droit, c’est moi qui vient de perdre une roue, l’autre est couchée sous le moyeu de l’essieu. En panique j’appelle Corinne, qui me dit d’aller recuperer la roue, que si un type vient taper dedans tout ça… Et moi si un type vient me rentrer dedans ?? J’ai raccoché, pris mon courage à deux mains et suis allé recuperer ma roue. Croyez moi, j’en menait pas large en traversant les 3 voies de l’A6…. Les goujons ont cassé, je suppose qu’ils n’ont pas aimé le coup de chaud en descendant la N6 le samedi précédent !
La suite s’est finit par une réparation qui a duré 2 jours, temps mis à profit pour faire un aller retour express en Hollande avec mon pote Philippe Dausson et son DAF95-350, puis retour dans le 74 et largage du la COMTI à Marseille, sans regrets ! J’oublierai jamais cette première fois !!!
